Rentrée, musique et expression

rentrée scolaire

En cette semaine synonyme pour moi de reprise du travail, j’ai aujourd’hui justement décidé de vous partager une partie de mes activités de formateur. Les quelques paragraphes qui vont suivre ne sont que des ébauches et appellent à être développés et partagés. Encore une fois, je vous invite à réagir autant que vous le souhaiterez et à compléter ou agrémenter les idées que vous désirerez, ce qui sera sans doute utile pour moi, pour vous, pour mes stagiaires et pour qui le voudra.

Pour vous donner le contexte, je travaille dans un centre de formation où les trois ‘L’ sont de mise (Long Life Learning) : nous accueillons tout public, de 18 à 65 ans, travailleurs ou non, afin de les aider à se former tout au long de leur vie. J’y enseigne pour ma part principalement l’anglais et la musique en plus d’accompagner un groupe de jeunes en situation d’insertion professionnelle. C’est donc dans un cadre plutôt large mais ciblé que je dois tenter de synthétiser les savoirs qui sont les miens.

hoc-tieng-anh-online-lesson-1Introduction au premier cours

Le but du module que je serai amené à présenter à la rentrée est d’introduire, par une approche musicale, au travail d’expression orale et corporelle. A travers un enseignement ludique, l’ensemble du cours a pour objectif de familiariser l’apprenant avec son corps et de lui faire prendre conscience de l’importance du rôle qu’il joue dans un contexte social comme professionnel. Que l’on soit en famille, entre amis, sur son lieu de travail ou à l’étranger, il est strictement inenvisageable d’évoluer en dehors du domaine de la communication dans lequel se trouve bien évidemment le langage parlé, mais aussi, on l’oublie trop souvent, la communication dite non verbale, c’est-à-dire tout échange n’ayant pas recours à la parole.

On est alors en droit de se demander comment la musique peut faire office de levier, de réponse aux freins que l’apprenant rencontre au quotidien à ce sujet. En réponse à ce problème, nous avancerons que, au même titre que le français, la musique est un langage. Elle est composée d’une grammaire à part entière dans laquelle se développe un vocabulaire organisé en ce que l’on pourrait comparer aux phonèmes (les plus petites unités portant du sens). Au-delà de ces règles intrinsèques, une partie du langage musical est elle aussi dirigée par la communication non verbale. Il s’agit par exemple des dynamiques (chuchoter ou crier / jouer doucement ou fort) ou de l’intention (l’émotion utilisée pour délivrer un message). Le lien avec l’instrument va permettre de comparer cette communication (verbale et non verbale) entre son interprétation musicale et son application au français et dans la vie quotidienne.

Pour des questions pratiques, je vous épargne ici les formalités et les exercices que vous aurez, j’en suis sûr, plaisir à travailler si vous assistez un jour à l’un de ces modules.

Startup-Lessons-2Partie du deuxième cours

Que se passe-t-il lorsque l’on parle ? Comment se fait-il que l’on produise du son et que l’on soit capable de l’entendre et de le comprendre ? Lorsqu’on fait l’effort de parler, nous mettons en oeuvre toute une mécanique interne, qui elle-même ne peut fonctionner sans l’aide d’éléments extérieurs, à commencer par l’air. En prononçant le mot « zouker« , vous commencez d’abord par placer les lèvres en fonction du son recherché tout en ouvrant la bouche de manière particulière, en prenant soin de placer et déplacer correctement votre langue, et enfin, vous faites vibrer (en expirant) vos cordes vocales qui auront le rôle de faire à leur tour vibrer l’air, vibrations qui seront captées, analysées et décodées par votre ou vos interlocuteurs.

Aussi, il est indispensable de contrôler chacune de ces étapes afin de bien se faire comprendre. Si trop peu d’air vibre (parce que vous ne parlez pas assez fort par exemple), alors le son émis sera moins puissant et parcourra moins de chemin, rendant ainsi votre message difficile, voire impossible à décoder.

Même si l’on en parle rarement (sûrement parce que l’on acquiert majoritairement ces habilités naturellement), le corps et la voix ont un rôle crucial dans la communication. Ils doivent tous deux être en accord avec le message que l’on tente de véhiculer, sans quoi son contenu s’en verrait altéré. Imaginez par exemple un homme hurler à sa femme qu’il l’aime tout en levant le poing devant son visage, étrange situation, non ? Il risque tout autant d’être fort difficile pour une mère de retrouver son enfant perdu sur une plage si elle est à genoux et qu’elle chuchote son prénom.

Une fois de plus, ces règles s’appliquent au langage de la musique. Il suffit d’observer les icônes du rock se déhancher et sauter sur scène, ou celles de la funk danser avec le sourire pour en avoir la preuve. Si elles ont gagné la célébrité, c’est parce qu’elles ont su partager à la foule un message clair avec une attitude adéquate remplie d’émotions. Ce cours n’a pas pour objectif de vous lancer dans une carrière de rock star (qui sait ?), mais plutôt de vous aider à apprivoiser votre corps et à appréhender vos émotions. En musique comme ailleurs, il est important de se comprendre et de se contrôler même dans les situations les plus délicates…

Le bain de conscience collective

Chapitre 1 : L’Ordre et Victoire
Chapitre 2 : La mort de Pépé
Chapitre 3 : En route vers l’Histoire

Joimour venait d’arriver au Stade Circulaire du Nouveau-Paris où elle devait retrouver sa famille. Il avait été convenu, pour accompagner le passage de Pépé, de communier dans un bain de conscience collective. Cette pratique, introduite juste après la Grande Transition par les académiciens de l’Ecole Réelle, avait communément pris part à l’utilité publique. Il s’agissait, même pour des raisons diamétralement opposées, de se réunir en une énorme masse humaine et d’y mélanger sa propre sphère émotionnelle à celle des autres pour n’en fabriquer plus qu’une, commune à tous, rendant presque palpable l’énergie ainsi créée. Alors que l’on associait jadis, sans alternative, la méditation à l’isolation et à la solitude, un groupe d’académiciens baptisés plus tard « Les Uniques Moines » avaient prouvé que l’énergie mentale existait matériellement et qu’elle circulait mieux en présence de groupes nombreux.

Alors que Joimour gravissait les marches en direction du rang H, les quelques trente-deux milles personnes présentes autour d’elle se turent soudainement. Les trois équipes qui avaient fait leur entrée au milieu du stade un peu plus tôt s’avancèrent respectivement le long des trois arrêtes de l’immense triangle qui dessinait les limites du terrain où elles allaient s’affronter dans quelques minutes. Au centre de ce triangle se trouvait un autre triangle dont chaque extrémité pointait le milieu des arrêtes du premier, délimitant les zones de jeu : le triangle central était la zone principale où pouvait agir chaque équipe alors que les trois triangles qui l’entouraient servaient de bases et de buts.

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Joimour continua son ascension et retrouva enfin sa famille, s’efforçant de respecter le règlement de la Ligue des Sports. Le Silence, c’était le nom de l’hymne international que l’on jouait à chaque rencontre sportive. Les murs d’enceintes reliés aux ordinateurs de la régie s’empressaient de diluer un bruit blanc, inaudible pour l’oreille mais tellement agréable pour l’âme, dès lors qu’on les leur commandait. C’était alors le début de la communion en conscience collective où l’individualité s’effaçait par transcendance pour laisser place au corps commun. Et l’on s’abandonnait, ni à soi, ni à l’autre, mais à tout. On prenait conscience de notre état latent et comprenait que l’on n’était rien d’autre qu’une infime part de l’ADN du cosmos, à la fois invisible et indispensable à l’existence de ce dernier.

Alors qu’elle sortait à peine de l’adolescence (qui avait été déplacée à vingt-cinq ans à l’occasion du passage à la Nouvelle Ere), Joimour commençait enfin à saisir les rouages de sa propre sphère émotionnelle. Après s’être exercée trois fois par semaine pendant l’intégralité de sa scolarité, après avoir appris les bases de la méditation individuelle, puis de groupe, après avoir étudié et expérimenté différents stades de conscience, elle commençait simplement à percevoir les contours de son existence. Au milieu du Stade Circulaire, au rang H, elle voyait, de manière toutefois encore floue, un fin voile presque en forme de bulle s’élargir autour d’elle, de plus en plus loin, de plus en plus vite. Bien qu’elle avait été formée à voir les sphères des gens autour d’elle, il lui était encore fort difficile d’accéder à cette chance, excepté en compagnie de Victoire. Pourtant, elle les sentait, là, se frotter contre sa bulle, l’exciter et s’y mêler.

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Si c’était plus facile avec Victoire, c’est parce qu’ils formaient à eux deux ce que l’on appelle un couple d’idéaux, c’est-à-dire qu’ils avaient le même âge à quelques jours près, qu’ils partageaient un type différent et qu’ils respectaient les traditions de l’Ordre depuis les prémices de leur éducation. Ces éléments liés favorisaient naturellement certaines prédispositions et beaucoup disaient ne jamais être aussi conscient qu’en compagnie de leur moitié. C’était le cas de Joimour. Le simple fait de s’imaginer avec Victoire l’aidait déjà à mieux apprivoiser son environnement grouillant de draps translucides qui se croisaient, se traversaient, se faisaient gonfler mutuellement. Et elle voyait le sien tantôt envelopper son corps, tantôt s’étirer jusqu’à l’autre bout du stade, tel un louveteau qui cherche l’aventure tout en s’assurant de ne pas quitter les yeux de sa mère.

Lorsque Le Silence fut achevé, la foule était en plein extase. Les six joueurs de chaque équipe prenaient respectivement place sur le terrain en saluant la foule pour gagner ses faveurs. Le match de soulball s’annonçait déjà palpitant au vu du nombre de spect-acteurs présents. Si l’on nommait les membres du public ainsi, c’est parce qu’ils étaient tout bonnement, comme indiqué, spectateurs et acteurs. Acteurs parce que c’étaient eux qui désigneraient bientôt un vainqueur, poussé à l’exploit par la conscience collective. Les trois équipes prêtes à s’affronter avaient, comme toujours, été scrupuleusement choisies par l’Ordre qui voyait en elles la représentation intrinsèque de trois émotions pures du peuple. Bien qu’elles étaient désignées pour le public par des chiffres, l’Ordre pouvait par exemple choisir de voir s’affronter la haine, la joie et l’angoisse. Ce soir, il avait été décidé d’analyser et de rééquilibrer les liens entre l’amour, la violence et la peur, et les équipes avaient donc été composées en conséquences. Il y avait dans l’équipe 1 aux maillots bleus six joueurs connus pour leurs qualités humaines et dont le maître mot était le fair-play. L’équipe 2, équipée de maillots rouges, comptaient d’énormes brutes au physique inquiétant. Quant à l’équipe 3, elle était vite reconnaissable pas seulement par leurs maillots noirs, mais tant les joueurs étaient chétifs et crispés. Mais qu’importent les apparences, puisque c’était le public qui allait orienter la rencontre par sa volonté commune. Alors que les joueurs étaient placés à leur poste respectif, les trois arbitres firent leur entrée sous les regards excités des spect-acteurs qui jetaient déjà leur sphère en direction de leur équipe favorite, puis l’un des maîtres de jeu siffla l’entame du match. Sans vraiment savoir pourquoi, Joimour sentit alors que ce soir allait être un grand soir…