Roubaix, ville de mes rêves

Pour accompagner mon humeur maussade de piéton nouveau, je pars avec les blessures de Ferré dans les oreilles et la nausée de Sartre sous les yeux. Heureusement que le soleil s’est trompé de saison et qu’il brille comme en mai. Il irradie la motivation des collègues alors qu’il fatigue les stagiaires. En musique, c’est quitte ou double. Ou l’on parvient à atteindre ce moment de grâce qui décomplexe les gens les moins ouverts et qui fait se lever les têtes, ou bien rien ne s’emboite et les individualités continuent à se creuser derrière le fatras des sons. Il existe peu de choses qui rassemblent et transcendent aussi facilement que la musique. Les débutants ne le savent pas, souvent les habitués non plus, mais ils synchronisent leur âme avec celle de leurs voisins. C’est ce qui fait qu’on s’approche sans se connaitre, sans même s’être jamais adressé la parole. Et nul besoin de parler avec sa langue quand on échange avec son esprit. Le corps devient pour l’occasion l’esclave et la musique aura remis de l’ordre dans l’Homme : l’esprit compte plus que le corps. C’est lui qui dessine sa forme constamment.

13.-Resorption-de-l-habitat-insalubre-a-Roubaix-2015-2016_zoom_colorboxAujourd’hui, ça a été quitte. Ou alors, double raté. Tout le monde est resté seul, à commencer par la musique. Je suis sorti du travail à 20h31 pour rater le bus de 20h39. Trois jeunes gens attendaient là, sous l’abris-bus, l’un hurlant les textes d’un mauvais rapeur, l’autre secouant le dernier pour tenter de le sortir de son état comateux.
– Eh, t’as pas l’heure s’te plait ?
– Regarde, 20h43, c’est écrit juste au-dessus de ta tête.
Ne pas montrer son téléphone dans ces cas-là, et rester un homme. Ici, trembler ou répondre d’une voix fluette est signe de soumission. Je me demande si Van Der Meersch a aimé Roubaix, ou même Wasquehal. Comme lui, je suis né dans la première, j’ai grandi dans la deuxième ; et je suis revenu en plein coeur de celle qui m’a vu apparaitre. J’ai toujours juré que je n’habiterais jamais ici. Et alors ? La vie…

J’ai presque marché une heure pour rentrer. Une heure à travers ces rues, c’est sûrement une heure de perdue. Même deux : une pendant que l’on marche, et une qui est retirée de notre compteur vital tant l’air est sale. Les trottoirs sont sales, les maisons sont sales, les gens sont sales. Même le cancer fuit notre béton tant il a peur de ce qu’il y voit roder. Van Der Meersch a certainement eu bien plus de raisons que moi d’aimer ces quartiers. Roubaix était une grande ville à l’époque, pas celle des extrèmes comme aujourd’hui. Pas celle du dégueulasse ambiant, de l’aculture, de la fausse luxure et du trop-plein. Trop-plein de ondits, de non-dits, de défis, de gratuités et de lâchetés.

ELD_-_ROUBAIX_-_Boulevard_GambettaEn passant devant le commissariat, j’ai craché par terre. Comme ces esclaves de la rue qui veulent montrer qu’ils sont prêts à la confrontation. Roubaix me mange, me digère et m’expulse modelé à sa façon. Je suis né à Roubaix, j’y vis, mais je ne veux surtout pas y mourir.

10 réflexions sur “Roubaix, ville de mes rêves

  1. Je suis née à Roubaix, j’y ai fait mes études et j’ai même acheté ma maison à Roubaix … et j’y suis très bien. Marvin, tu devrais peut être ouvrir tes yeux aller à un concert à la cave aux poètes, faire un expo à la Piscine, profiter du parc barbieux quand il fait beau, faire du shopping à mac arthur glen ou à l’Usine. Il y a tant à faire à Roubaix. Tu dis en parlant de Roubaix « Pas celle du dégueulasse ambiant, de l’aculture, de la fausse luxure et du trop-plein. Trop-plein de ondits, de non-dits, de défis, de gratuités et de lâchetés. » Peut être arrête de cracher toi aussi, elle sera moins dégueulasse… Tu te rends peut être pas compte mais Lille aussi est sale, Paris encore plus.

    Je comprends pas vraiment ton acharnement sur Roubaix, peut être tu devrais la regarder autrement…

    • Je suis allé au musée de la piscine la semaine dernière, j’étais encore à la condition publique il n’y a pas si longtemps. Il y a de belles choses à Roubaix, c’est sûr. Il y en a aussi de bien plus sombres, surtout à Roubaix-centre. Tu parles de McArthur, je vis à 2 minutes de là. Je ne sais pas où toi tu vis, mais certainement pas près de Lannoy, sinon cet article te choquerait beaucoup moins. Des anecdotes, j’en ai à la pelle, et au moins une pour chaque semaine. J’imagine bien que tout le monde ne pense pas comme moi, et c’est tant mieux, autant aimer l’endroit où l’on vit. Dommage pour moi, ce n’est pas mon cas.

  2. Contrairement à ce que tu penses la rue de Lannoy est à deux minutes à pied de chez moi. J’ai pas le même regard sur ma ville sinon je n’y habiterai pas. Je me suis jamais fait agressée, pas de problème de dégradation, ni de cambriolage…. Je ne vis pas non plus au pays des bisounours, la misère sociale existe à Roubaix plus qu’ailleurs car elle s’y concentre… je vois plutôt beaucoup de solidarité entre les personnes. Pourvu que ça dure.
    Pourquoi habites-tu à Roubaix si tu n’aimes pas cette ville ?

    • On était au lycée à la même époque et des problèmes, j’en ai eu quelques uns. Je préfère éviter de raconter certaines histoires plus récentes, ça en découragerait plus d’un à venir chez moi. Pour ce qui est des dégradations et cambriolages, ceux qui me connaissent savent mes déboires…
      Ce que je critique dans ce texte, c’est l’oubli total de certains quartiers qui sont devenus des lieux clos où la justice est celle des trottoirs.
      Si je vis ici, c’est simplement parce que j’ai été séduit par l’appartement et parce que je peux y faire autant de bruit que je le veux, et ça en tant que musicien, ce n’est pas négligeable.

      • Je suis d’accord avec toi là dessus. Certains quartiers sont complétement délaissés au détriment de la population et ça craint. On dirait que la Police a peur d’y aller… J’ai eu peut être de la chance de ne jamais avoir eu de problème à Roubaix. Je ne sais pas.

  3. Le coeur a ses raisons que la raison ignore, et je ne pense pas qu’on puisse toujours expliquer un sentiment. Et c’est ce qu’il y a de bizarre avec Roubaix : oui la ville est gangrenée par le chômage, la saleté, le manque d’éducation, les incivilités…et malgré tout, je m’y sens bien et je ne changerai pas pour Tourcoing ni même Lille !

  4. 2voitures griffé sur tt la longueur
    1 voitures embouties avec délit de fuite
    Des dealers aux vue de tous
    Une police qui ne veux pas se déplacer
    Des rues sale
    Des gens qui hurles dans la rue à 00h la semaine
    Vol de poubelles (oui oui)
    Les problèmes de Roubaix :
    Misère sociale sur misère sociale, très peu de savoir vivre, violence et dégradation gratuite et banalisé !

  5. La Routine d'un Marvin

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